#MaPFUE : de la présidence française au modèle numérique européen
Vous vous demandez pourquoi le numérique semble absent du discours des candidats à l’élection présidentielle française ? La PFUE (présidence française de l’Union européenne) recèle de puissants instruments juridiques qui dessinent l’alternative aux modèles numériques américain et chinois. DMA, DSA, pourquoi le niveau européen est-il le plus efficient pour garantir les libertés des français ? Quels sont les axes du modèle européen ?
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Pourquoi le niveau européen est-il le plus efficient ?
Le numérique, c’est notre quotidien : passe sanitaire, cours en ligne, télétravail et visio-conférences à la chaîne, streaming, réseaux sociaux, reconnaissance faciale, intelligence artificielle et demain métavers, NFTs… Il l’est en réalité pour toute personne utilisant un téléphone mobile ! Ces enjeux et risques sont partagés avec nos voisins espagnols, croates ou suédois : infox et manipulations, harcèlement en ligne, immixtion dans la vie privée, publicités micro-ciblées, fraudes à la CB…
Les internautes ont cessé d’être naïfs et savent que leurs données sont collectées pour être monétisées. Ils réclament aujourd’hui davantage de garanties et ont compris que les règles du jeu de l’espace numérique sont dirigées soit par la vision économique des Etats-Unis, soit par le modèle chinois de surveillance depuis le primaire.
La pertinence d’une action coordonnée à l’échelon européen plutôt que fragmentée dans chaque Etat membre a fait ses preuves. Par exemple, aujourd’hui si nous pouvons effacer nos traces sur le web et accéder à nos données, c’est grâce au RGPD (règlement européen sur la protection des données à caractère personnel). Sans ce texte, nous devrions exercer ces démarches dans chaque Etat membre, en fonction de ses procédures et dans sa langue ! CQFD
L’efficacité du dispositif européen repose aussi sur l’impact financier contre les GAFAM. Grâce au RGPD, les amendes pleuvent : Amazon 746 millions d’euros sur 3 ans, Google : 150 millions pour ne citer que la dernière décision de la CNIL.
Au-delà de la protection des données, ce sont tous les aspects de la vie numérique que la PFUE porte actuellement : pouvoir d’achat, éducation, environnement, santé, sécurité et logement.
Quels sont les axes du modèle européen ?
L’affirmation d’une souveraineté européenne, alternative aux modèles extra-européens, trouve son origine dans le discours de la Sorbonne du président en 2017.
Le numérique est un outil utilisé dans toutes les dimensions de l’activité humaine : culturelles, économiques, sociales. Ses risques ne sont pas inhérents à la technologie mais résultent de comportements plus ou moins intentionnels, prémédités, voire stratégiques émanant d’individus, d’entreprises voire d’Etats. L’objectif principal est la responsabilisation des plateformes numériques, notamment face aux discours de haine grâce à l’adoption de deux textes majeurs à l’agenda de la PFUE : la législation sur les Marchés Numériques (DMA : Digital Market Act) et la loi sur les Services Numériques (DSA : Digital Service Act).
C’est un modèle équitable et ouvert d’Internet qui est ainsi défendu que ce soit pour les réseaux sociaux, les moteurs de recherche, les systèmes d’exploitation, les services de publicité en ligne, l’informatique en nuage et les services de partage de vidéo…
Le texte de la législation sur les Marchés Numériques a été adopté par le Parlement européen le 15 décembre 2021. Cela signifie que la discussion s’ouvre avec le Conseil. Le projet de règlement augmente les seuils quantitatifs pour qu’une entreprise relève du champ d’application du règlement et élargit la liste des services numériques clés soumis à réglementation : c’est-à-dire les assistants vocaux, les navigateurs Web et les téléviseurs connectés. Il comprend des dispositions relatives au non-respect systématique de la réglementation, y compris les restrictions sur les « killers acquisitions ».
15 déc. 2021
La législation sur les Services Numériques imposera :
- Des mesures pour contrer les produits, services et contenus illégaux en ligne,
- Des obligations strictes pour les plus grandes plateformes en ligne,
- Un droit de réparation pour les bénéficiaires de services en cas de dommages subis,
- Des évaluations de risques obligatoires et une transparence accrue des “systèmes de recommandation” pour combattre les contenus préjudiciables et la désinformation,
- La transparence et la responsabilité des algorithmes utilisés par les plateformes en ligne.
En effet, les algorithmes sont accusés de diffuser de la désinformation, voire de nuire à la santé mentale des plus jeunes, notamment des jeunes filles.
Le projet de règlement vise les plateformes en ligne atteignant 80 milliards d’euros au niveau de la capitalisation boursière qui contrôlent l’accès à Internet et interdit des pratiques contraires aux intérêts des consommateurs. La Commission européenne pourra mener des enquêtes de marché et appliquer des sanctions. Le texte sera discuté en plénière au Parlement européen en janvier 2022.
Cet agenda gagnerait à être complété de stratégies concernant la décentralisation pour réguler la technologie de la chaîne de blocs qui sert notamment aux NFTs et aux cryptomonnaies et sur le système fédéré (cloud souverain) qui à ce stade n’engage que la France et l’Allemagne. Ce dernier axe conditionne en fait tous les autres car sans système fédéré, les données sont trop souvent hébergées off-shore réduisant à néant la protection offerte par le système juridique ! C’est pourquoi l’opposition de la CNIL au ‘Health Data Hub’ a conduit au retrait de la demande d’autorisation du gouvernement français.
La création d’un système fédéré aura toutes les vertus exigées par nos valeurs et présentera surtout l’avantage de prendre en considération la fertilisation croisée des données civiles et militaires.
Le dernier kilomètre : la valeur ajoutée de la France, et des citoyens !
« Que fera le futur Président français sur le numérique ? » ou encore « qu’ont fait nos députés élus depuis cinq ans sur le numérique ? ». Ces questionnements sont légitimes et positifs. Ils révèlent le saut qualitatif effectué en 5 ans par les français. Ils exigent une réponse démocratique qui soit le reflet de nos préoccupations quotidiennes, privées comme professionnelles.
Une fois les textes européens adoptés, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, ils provoquent un effet domino car toute norme de rang supérieur s’impose aux normes de rang inférieur pour garantir cohérence et impartialité. Ainsi, notre futur président français et nos députés élus en 2022 auront la responsabilité de mettre en musique les résultats de la PFUE et de statuer par exemple sur le télétravail et l’adoption de comportements durables.
L’omniprésence du numérique n’a pas attendu le métavers. Ces enjeux latents sont perçus par les acteurs du numérique sans toutefois être lisibles par la majorité de nos concitoyens, notamment les plus vulnérables d’entre eux. Cette méconnaissance est anxiogène et suscite des craintes parfois irrationnelles, parfois justifiées. Des notions essentielles du monde numérique gagneraient à être diffusées gratuitement, au plus grand nombre, par des médias et des vecteurs moins conventionnels. Les Teams d’e-sport sur Twitch ou en streaming pourraient sensibiliser les joueurs parfois très jeunes au harcèlement en ligne par exemple. La France a plus que jamais besoin d’ambassadeurs du numérique tous secteurs confondus.
Sources
En Chine, des uniformes connectés pour suivre les élèves à distance (francetvinfo.fr)
Cookies : la CNIL sanctionne GOOGLE à hauteur de 150 millions d’euros | CNIL
DMA: le Parlement est prêt à négocier avec le Conseil | Actualité | Parlement européen (europa.eu)